" Honny soit qui mal y pense ".
J'ai connu (pas au sens biblique s'entend), jadis , une accorte bigouden qui m'a confié la recette de ses " bigouds bigoudins ". C'est pour moi une des meilleures préparations à base de galette de blé noir. Certains disent "de sarrasin". Moi, c'est un mot que j'ai rayé de mon vocabulaire. Il me rappelle les affres de mon séjour de quatre ans au pays du couscous.
Pour réussir cette recette, il faut d'abord , à l'origine, avoir gagné la confiance d'une bigouden qui aura accepté de vous dévoiler son petit secret (ah! comme s'est bien dit).Quand je parle d'une bigouden, c'est évidemment d'une vraie , jeune et jolie portant à l'occasion la grande coiffe en pain de sucre héritée de ses grands mères, comme il n'en existe plus guère.
Ne pas confondre avec la "bigouden d'occasion", parisienne, souvent flétrie, en vacances ou en retraite dans notre belle région qui se croit plus bretonne que la plus bretonne des bretonnes (ouf !) et qui, quelquefois, n'hésite pas à se déguiser en bigouden. comme elle se déguiserait en chimpanzé pour le Carnaval. Cela ne marcherait évidemment pas. Notez, cependant, que je n'ai rien contre cet aimable quadrupède.
Il est important de noter à ce stade que la galette de blé noir est pour la bigouden ce que sont les spaghettis pour nos voisins transalpins. A cette différence près que, dans toute famille bretonne qui se respecte, on sait, de mère en fille, faire les galettes alors que, chez nos voisins transalpins, les vrais spaghettis demeurent la spécialité de mamas ayant, le plus souvent, atteint l'âge canonique, donc en voie de disparition, que l'on trouve encore, quelquefois, parait-il, dans certains villages isolés au fin-fond des Pouilles. Donc à éviter les spaghetti-parties chez les ritaux ( un rital = des ritaux ) d'importation en France. Mitonnez-vous les vous-mèmes (pas les ritaux, ils sont indigestes, mais les spaghettis bien sur !) à la mode de Plouagat ou de Pommerit le Vicomte, par exemple, bien connue des vrais gourmets 100% celtes que sont certains (de plus en plus rares) d'entre nous qui ne sentent pas la bolognaise.
Mais revenons à la recette des "bigouds bigoudins".
Prenez, dans votre main gauche (ou droite, si vous êtes gaucher) une poêle anti-adhésive de taille moyenne. Versez dedans une cuillerée à soupe rase d'huile d'arachide. Ajoutez une cuillerée à soupe bombée de beurre demi-sel. Réservez, comme dirait Joël Robuchon à la télé.
Hachez menu ou, plutôt, faites hacher par une main innocente (ceci vous évitera bien des larmes), un oignon de taille moyenne que vous jetterez, sans mollir, dans la poêle quand le mélange huile-beurre sera bien chaud (couleur noisette). Faites dorer gentiment (tout est dans la délicatesse) votre hachis d'oignon que vous aurez saupoudré de poivre au préalable, jusqu'à ce qu'il atteigne la nuance du blond vénitien (Ah!Venise ...) et réservez.
Faites décongeler au micro-onde une poignée de champignons de Paris ( la plus belle ville du monde ) surgelés ou de girolles. Sans les hacher, divisez-les pour que les morceaux ne soient pas trop gros. Ajoutez-les à vos oignons dans la poêle. Salez et ajoutez un demi -fifrelin de muscade râpée, si vous aimez. Remuez le tout avec une cuillère en bois (j'insiste sur le bois) pendant deux minutes (trois ,si vous êtes à la retraite ou que vous n'êtes pas pressé).
Versez dans une assiette chaude et alors ... la Sainte Vierge en string de dentelle !
Il existe de nombreuse variantes, qui permettent de "broder "à partir de cette recette de base très classique. Je citerais, pour mémoire : "le bigoud de la jeune mariée ", accompagnement saucisse de Francfort ou cervelas, suivant appétit (ou tempérament) de l'intéressée, ne pas confondre avec le "bigoudi" qui généralement a une autre utilisation, le "bigoud de la cambuse" avec crevettes et Saint-Jacques, le "bigoud napolitain" avec des spaghettis(redoutable !) ... j'en passe et des meilleures et je fais confiance à la fertile imagination culinaire des gourmets que vous êtes (peut-être) pour concocter d'autres recettes originales.
A noter, pour votre éducation, que le mot "bigouden" est à la fois masculin et féminin (les latinistes diraient "neutre"). C'est la prononciation qui différe : s'il s'agit d'un homme, on écrit "bigouden" mais on prononce "bigoudin". pour une femme, on prononce "bigoudène". Subtile, hein ?
Le mot "bigoud" a une origine anglo-saxonne et est une déformation de "be good" qui veut dire "sois bon ou bonne". Comme vous le voyez, vous apprenez beaucoup à mon contact.
Quant au mot "bigoudi", il n'a rien à voir avec nos bigoudens et aurait plutôt une consonnance transalpine. Peut-être avez-vous des idées sur la question ? certains fins lettrés pensent que "bigoud'" pourrait avoir une origine anglaise: " be good " ?
Une suggestion : pourquoi ne pas arroser les bigouds d'un bon verre de cidre bien de chez nous !
Yec'hed mat Ken ar wech-all ! (c'est du breton).
Illustration: Une bien jolie bigouden.
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